Archives au présent : Colette Nys-Mazure



Dans le cadre de la campagne @lisezvouslebelge, le cycle Archives au présent met en lumière des écrivains et écrivaines qui ont choisi de confier leurs archives aux Archives et Musée de la Littérature. À travers quatre questions, ils et elles témoignent de ce geste de transmission : faire de la mémoire individuelle une part vivante du patrimoine littéraire collectif, et montrer comment les archives nourrissent, aujourd’hui encore, la création et la lecture.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de confier vos archives : le désir de laisser une trace, de transmettre, ou autre chose encore ?
Je n’y avais pas pensé mais j’ai été heureuse lorsque Christophe Meurée me l’a proposé en 2021. Le désir de laisser une trace sans doute ; participer à la vitalité des Lettres de Belgique à laquelle je collabore modestement ; faciliter le travail de chercheurs, de projets d’exposition. Ne pas égarer ni perdre mais disposer de documents classés.
Quels types de documents avez-vous confiés aux AML, et comment avez-vous choisi ce qui devait y figurer ?
J’avoue ne pas être très ordonnée ni narcissique. J’ai livré en vrac lettres d’écrivains, photos, affiches, livres d’artistes, manuscrits, traductions, critiques littéraires, ouvrages dédicacés, conférences, articles, que j’ai publiés ou me concernant, déplacements à l’étranger liés à mes écrits, notre littérature… Choix très spontané. Envie de représenter la diversité de mes centres d’intérêt et des rencontres.
Si vous deviez placer une seule pièce de vos archives dans une capsule temporelle qui serait rouverte dans cent ans, laquelle choisiriez-vous ?
Cela me semble prétentieux d’imaginer qu’on se souviendra de moi. Ce serait plutôt un bouquet de lettres de poètes que j’admire et qui ont eu la bonté de m’écrire ou de m’offrir un poème, tels François Cheng, Andrée Chedid, André Schmitz, Charles Juliet… Ou alors quelques étapes de la rédaction d’un hommage à un écrivain – Sylvie Germain ou Le Clezio, que j’ai assuré pour les Cahiers de l’Herne, qui témoigneraient de mon admiration à leur égard, de mon souci de peaufiner mes textes.
Que signifie pour vous l’acte de déposer vos archives dans une institution œuvrant à la mémoire des lettres francophones belges telle que les AML ?
Acte de confiance dans une institution investie du soin de faire rayonner les lettres de notre pays ; sentiment de reconnaissance à l’égard de ce travail essentiel ; conscience d’une action en correspondances. Je ne voudrais pas laisser s’effacer des visages de rencontre essentielle, des noms qui ont enchanté mon existence, des écritures qui ont joué sur la mienne. Et aussi le désir d’alléger la charge de nos enfants au moment de ma mort tout en leur offrant l’accès à ce qui compte pour moi !
Colette Nys-Mazure, écrivaine et poète née à Wavre en 1939 et vivant à Tournai, est philologue de formation et a été professeure de Lettres. Très active dans la transmission littéraire, elle a publié de nombreux recueils poétiques (Feux dans la nuit, Le Jour coude-à-coude, À main levée, Chaque aurore te restera première), ainsi que des nouvelles (Tu n’es pas seul, Albin Michel), des romans (Perdre pied, Desclée de Brouwer ; Anna, Weyrich) et plusieurs essais (Célébration du quotidien, Secrète présence, La chair du poème, L’Enfant neuf, La Vie poétique, j’y crois, Cette obscure clarté).
Elle écrit aussi pour la jeunesse autour de la peinture — notamment Quand tu aimes, il faut partir (Invenit) — et collabore régulièrement avec des artistes. Son œuvre, traduite dans de nombreuses langues, circule en Europe, en Amérique du Nord et au Mexique.
Récompensée à maintes reprises (prix Max Pol Fouchet, Charles Plisnier, du Bellay…), elle a reçu le prix Yves Cosson, la mention spéciale 2023 d’Écritures et Spiritualités pour l’ensemble de son œuvre, ainsi que le prix Léon-Paul Fargue en 2024 pour Sans crier gare.